Une statistique significative pour nos Pyrénées : dans le seul département des Hautes-Pyrénées, 440 ha de terres agricoles sont en moyenne perdues chaque année à cause de l'urbanisation et de l'artificialisation des sols (source : Gabriel Wackermann, " Des conflits agricoles aux conflits alimentaires ", in Gabriel Wackermann (dir.),
Géographie des conflits non-armés, Paris, Ellipses, 2011).
Cette artificialisation des terres agricoles et " naturelles " est un réel problème, dont la solution dépend du choix de société que l'on envisage :
- maintenir une agriculture et des productions diversifiées pour alimenter des marchés locaux, capable de préserver l'environnement (paysage, sociétés, écosystème) et d'éviter le dépérissement des zones rurales.
- ou favoriser une division nationale et internationale des productions selon les avantages relatifs de chaque zone en multipliant les flux et les déplacements sur des longues distances. Dans ce cadre la perte des espaces agricoles de moindre rentabilité est inévitable et l'artificialisation peut se poursuivre.
L'artificialisation des montagnes est symbolisée par les stations de ski. Les avantages relatifs en jeu : le potentiel touristique et la neige. L'opposition actuelle au projet d'extension de la station de Piau-Engaly est un bon exemple de ces conflits qui naissent de la rencontre entre différentes logiques de valorisation d'un territoire. Se trouve posée la question du devenir d'une pratique agricole extensive de la montagne, le pastoralisme transhumant, face à la nécessité pour la station de s'agrandir pour résister à la concurrence des autres stations, départementales, pyrénéennes, françaises et européennes.
Les stations peuvent cohabiter avec l'élevage, l'impact visuel du bétonnage et des terrassements peut être limité, la faune et la flore peuvent être relativement épargnées. Quelques stations suisses ont fait d'énormes efforts dans ce sens (voir sur géoconfluences, émanation de l'école normale supérieure de Lyon, l'article de Marc-Jérôme Hassid, "L'agriculture et l'aménagement des domaines skiables dans les Alpes : des enjeux environnementaux en montagne"
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/DevDur/DevdurScient5.htm). Mais cela engage des investissements que les stations pyrénéennes ne seront pas forcément en mesure de réaliser. D'autant que le domaine skiable disponible sans recours aux canons à neige, équipements ô combien problématiques, est limité.
Il ne s'agit pas de bloquer toute initiative
a priori, mais de mesurer l'impact environnemental (c'est-à-dire sur la nature et la société qui y évolue) de nouveaux aménagements ainsi que leur intérêt social et économique. Si l'on croit au tourisme en tant que facteur de "développement" économique, on peut être assuré que les Pyrénées touristiques ont au moins autant besoin de l'agriculture et de l'élevage pour maintenir la diversité sociale et les paysages, que de stations de ski...