Pour ceux qui s'intéressent au sujet

j'ai repris une grande partie du texte d'
Emile Belloc et utilisé l'OCR pour reconnaître le texte.
https://www.lacsdespyrenees.com/piscicultures/pisciculture-dans-lacs-des-pyrenees.pdf
ASSOCIATION FRANCAISE POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES
Congrès de Pau – 1892 (Séance du 19 septembre 1892)
Après relecture et quelques modifications de ma part (l'OCR ne peut être parfaite), voici le résultat de la page 3 milieu de page à la page 7 fin de page.
M. Émile Belloc - UTILISATION DES CUVETTES LACUSTRES PYRÉNÉENNES
Actuellement la vie animale est aux trois quarts anéantie dans les eaux pyrénéennes, et il est facile de prévoir l'époque prochaine où le poisson disparaîtra des lacs et des cours d'eau, si l'autorité supérieure ne prend pas, à bref délai, des mesures énergiques pour arrêter les déprédations des malfaiteurs.
Les engins prohibés ne suffisent plus la stupide fureur de destruction des braconniers qui, sûrs de l'impunité ou à peu près, et sans se préoccuper des désastres qu'ils occasionnent, ne craignent pas de mettre en œuvre les substances toxiques les plus violentes et même les matières explosives pour s'emparer du poisson. Et, chose triste à, dire, c'est parfois sous l'oeil extraordinairement indulgent des hommes officiellement chargés de faire respecter la loi, que se passent ces faits déplorables à tous égards. La répression énergique des délits et l'observation rigoureuse des règlements de pèche s'imposent donc avant tout.
A l'époque du frai, le braconnage fluviatile ou lacustre devient un véritable crime, puisque le pêcheur détruit, en une seule fois, des milliards d'individus avant leur naissance. Du reste, son méfait est sans profit pour lui, car, à ce moment-là, les oeufs utilisant pour leur formation la plus grande partie des matières grasses et de l'acide oléophosphorique qui colore la chair des poissons, surtout celle des truites 'saumonées’ l'animal a perdu sa coloration et sa saveur, et n'a plus de valeur marchande.
Quoique l'homme soit souvent cruel et impitoyable envers certaines espèces d'animaux, il n'est pas toujours leur plus redoutable ennemi, et dans la plupart des cas même, ce sont les individus de leur propre race qui leur livrent les plus rudes combats.
Si nous considérons les poissons d'eau douce, par exemple, nous les voyons exposés à tous les dangers, depuis l'état embryonnaire jusqu'à la mort, sans autre arme défensive que leur agilité. Aussi les générations nouvelles sont-elles constamment exposées à de véritables hécatombes. Si l'on ajoute à cela que certaines espèces, telles que les truites, ne prennent aucun soin de leurs œufs, qu'elles déposent simplement le long des zones littorales, dans des endroits tranquilles, creux et peu profonds, on comprendra aisément combien il est urgent de soustraire les jeunes salmonidés à la voracité de leurs congé
nères, pendant l'époque la plus critique de leur existence.
Au moment de l'éclosion, le corps de l'animal est tellement grêle et sa vésicule ombilicale si fortement développée au dehors, que le malheureux petit être, couché sur le flanc et incapable de se mouvoir, devient très facilement la proie de ses nombreux ennemis. Plus tard, lorsque la substance jaune de la vésicule abdominale est en partie résorbée, le jeune alevin, devenu plus agile, est mieux à même de se défendre ; cependant, en cet état moyen de développement, les espèces carnassières qui le guettent en dévorent une très grande quantité. Les pêcheurs pyrénéens n'ignorent pas ces détails ; aussi ont-ils la conviction qu'une truite de grande dimension détruit plus de poissons qu'une loutre de taille ordinaire.
Quelques tentatives d'empoissonnement ont bien été faites dans certaines parties de la région pyrénéenne, mais ce sont là des faits isolés et qui sont restés sans conséquence, n'ayant rien de commun avec les méthodes perfectionnées appliquées actuellement à la production et à l'élevage raisonné du poisson comestible. L'industrie aquicole trouverait dans ce pays des ressources considérables et un champ d'exploitation absolument neuf. Et comme ces établissements, créés à peu de frais, fonctionneraient surtout pendant l'hiver, la main-d’œuvre étant, à très bas prix à cette époque de l'année dans les montagnes, le succès serait certain.
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La plupart des cuvettes lacustres pyrénéennes se prêteraient très bien à la culture du poisson, puisque, dans un grand nombre d'entre elles, la truite se multiplie et se développe admirablement. Leurs eaux pures et limpides renferment, non seulement les matières chimiques nécessaires à la formation du squelette de ces animaux, mais encore une innombrable quantité d'animalcules propres à leur nourriture.
Ramond de Carbonnière, l'éminent explorateur, avait signalé trois espèces de truites dans les lacs des Pyrénées. La truite commune (
Trutta fario, Sieb.), la truite saumonée (
Trutta argentea, Val.) et la truite des Alpes ou truite noire (
Salmo alpinus, Ginel). Actuellement on n'admet plus qu’une seule espèce de truite (
Trutta fario) avec des variétés présentant divers degrés de coloration. Quoi qu'il en soit, mes observations personnelles maintes fois répétées, particulièrement au lac d'Oô, m'ayant révélé un fait physiologique très curieux, je vais le faire connaître, car il n'a encore été relaté nulle part.
Les filets de pêche tendus le soir dans la partie littorale du lac et relevés chaque matin ramènent deux sortes de truites dont la manière d'être et l'aspect extérieur diffèrent complètement. Les unes, dont le corps et la tête sont allongés, ont le museau effilé. Leur peau, parsemée de petits points rouges, est d'un blanc-gris argenté et très clair à la partie abdominale ; elle passe au gris sombre vers l'arête dorsale. Lorsqu'un de ces individus se sent pris au piège, il se dé
bat désespérément, et la violence de ses mouvements est telle que souvent les mailles du filet qui l'enserrent pénètrent dans sa chair. Malgré cette position critique, il est rare qu'il ne soit pas encore vivant au moment où on le retire de l'eau.
Les autres, au contraire, dont la tête est plus courte et te corps plus ramassé, sont d'une couleur gris verdâtre, et leur peau, sur laquelle les points rouges sont très vifs et beaucoup plus nembreux que dans l'espèce précédente, est tachée de noir de l'extrémité du museau au bout de la queue. Rarement j'ai vu la tête de ceux-ci engagée (le plus de deux ou trois centimètres dans le tramail qui le retient prisonnier, et plus rarement encore, j'ai pu recueillir l'animal vivant.
Il y a là, ce me semble, un fait physiologique remarquable ; et, en admettant que ces deux êtres appartiennent à la même espèce, il faut reconnaître que la force de résistance à l'asphyxie est infiniment plus considérable chez l'un que chez l'autre (1).
La truite se rencontre à peu près dans tous les lacs pyrénéens, jusqu'à une altitude voisine de 2.400 mètres, mais il est plus rare d'y trouver d'énormes anguilles à 1.764 mètres de hauteur, comme l'a remarqué le Dr Jeanbernat au lac de Balcère.
La faune lacustre des Pyrénées n'est pas encore définitivement connue.
Ramond, Ch. dés Moulins, Philippe, D. Dupuy, N. Boubée, E. S. Frossard, le Dr Jcanbernat, le générai de Nansouty et le Dr P. Fischer (2) en ont parlé incidemment dans leurs écrits, et M. P. Fagot lui a consacré, dans le Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de Toulouse (p. 29, 1883), une note dont le but principal est de retracer l'histoire de la
Salamandre aquatique, observée dans le lac d'Oncet par Ramond, et qu'il désigne sous le nom de
Megapterna pyrenaica (Euproctus).
D'après ces recherches déjà un peu anciennes, cette faune se réduirait à une espèce de poisson, deux espèces de batraciens, une espèce d'insecte, trois espèces de mollusques et une espèce de ver nématode.
A cette liste très incomplète, que des recherches ultérieures modifieront certainement, il faut ajouter :
1° Un batracien non encore signalé en France.
Rana Iberica, découvert par moi au lac d'Aubert (Hautes-Pyrénées). [Jusqu'â nouvel ordre ce nom est donné sous toute réserve, les échantillons soumis à l'examen de MM. Parâtre et Rollinat étant en mauvais état de conservation lorsqu'ils sont parvenus entre leurs mains];
2° Le Desman des Pyrénées (
Myogale pyrenaica) (3);
3° La loutre commune (
Lutra vulgaris, L.)
4° Une sangsue (
Hoenopis sanguisuga (Bergman, nec Moquin-Tandon), déterminée par le Dr R. Blanchard, qui prépare une grande monographie des Hirudinées.
Abstraction faite des lacs de la zone sous-montagneuse - Lourdes, Saint-Pé-d'Ardet, Barbazan, etc. — renfermant la plupart des espèces de poissons, de reptiles, de batraciens et d'insectes, vivant habituellement dans les eaux de la plaine, la faune lacustre pyrénéenne se compose actuellement de :
Deux espèçes de mammifères :
Alyogale pyrenaica (Desman des Pyrénées).
Lutra vulgaris, L.
Trois espèces de batraciens :
Rana temporaria, L., var. Canigonica, Boubée .
Rana lberica, Boulenger.
Megapterna pyrenaica, Fagot (Euproctus , Gêné).
Une espèce de poisson :
Trutta fario, Sieb.
Une espèce d'insecte :
Disticus eireumflexte, Fahric.
Une espèce d'hirudinées :
licemopis sanguisuga, Bergman.
Une espéce de ver nématode :
Gordius aquaticus, L.
Quatre espèces de mollusques :
limosa, var. glacialls, Dupuy.
Ancylus fluviatilis, Müll. var. Capuloides,Porro.
Pisidum Cazerianum, Poli, var. lenticularis, Norm.
Pisidum Cazerianum, Poli, var . pukhella, Jentyns.
Enfin, la faune microscopique est aussi largement représentée dans les eaux pyrénéennes, comme l'ont établi tout récemment, et pour la première fois, les études de M. le baron Jules de Guerne, ancien président de la Société zoologique de France, et de M. le Dr. Jules Richard, qui ont bien voulu se charger d'examiner les pèches au filet fin que j'ai faites dans un assez grand nombre de lacs supérieurs. Leur travail — dont les résultats ont fourni la matière d'une note spéciale contenue dans le présent volume, p. 526 — a révélé des richesses microscopiques abondantes inconnues jusqu'ici dans les Pyrénées, composées d'Entornostracées, de Rotifères et de Protozoairés, dont les jeunes poissons en général et les truites en particulier sont très friands.
En terminant, je dirai que la création de l'Aquiculture s'impose fatalement à, l'heure actuelle, sous peine de voir se produire avant peu le dépeuplement complet des torrents et des lacs pyrénéens.
Cette question primordiale, qui touche directement au bien-être de nos populations montagnardes si dignes d'intérêt, a été
portée l'an dernier devant le Conseil général des Hautes-Pyrénées. Nous croyons savoir que le Service hydraulique agricole, sous la direction de M. l'ingénieur en chef J. Fontès, a déjà mis à l'étude un projet d'établissement aquicole destiné à la région d'Orédon ; espérons que la réalisation de ce projet, utilitaire au premier chef, ne se fera pas longtemps attendre et ne sera que le prélude d'une 'alise en culture générale de lacs et rivières de nos montagnes. Alors nos collègues — trouvant l'aquiculture en pleine activité quand l'Association française se réunira de nouveau dans les Pyrénées — pourront dire avec Franklin «
Tout homme qui pêche tire de l'eau une pièce de monnaie, et si le filet ramené sur le rivage est gorgé de butin, il procure au pêcheur un véritable trésor »
(1) L'étude de la disposition du sque1itte de ces vertébrés permettra peut-être de tirer des conclusions plus caractéristiques.
Dans le but d'élucider autant que possible la question, j'avais eu recours au bon vouloir de M. Sattore maire actuel de la commune d'Oô et fermier du lac de ce nom, pour obtenir quelques échantillons de sa péche. L'envoi fut obligeamment fait, mais de fâcheuses circonstances l'ont empêché d'arriver jusqu'à moi.
(2) P. FISHERl Faune de la vallée de Cauterets (2e supplèment) (Journal de Conchyliologie, vol. 26. .1 SIS)
(3) Eugène TRUTAT, Essai sur 1’histoire naturelle du Desman des Pyrénées. Toulouse, imp. Édouard Privat, 1891. (Thèse de doctorat ès sciences). Ge travail remarquable, qui fait le plus grand honneur à son auteur contient 15 planches, dessinées par Di. Maurice Gourdon et M. Leuba.
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"Combien y a-t-il de lacs dans les Pyrénées? Qui les a tous vus ?" H. RUSSELL