"Marie-Monique Robin : "le monde selon Monsanto"
En plein dé
bat sur les OGM auquel son film "le monde selon Monsanto" a largement contribué , Marie Monique Robin, journaliste , était vendredi soir (18/04/2008) à Elne.
Elle livre son analyse, fruit d'une enquête très poussée sur le géant des OGM.
Marie-Monique Robin, journaliste, a obtenu le prix Albert Londres en 1995 pour son film "Voleurs d'yeux" sur les trafics d'organes. Elle s'est fait une spécialité dans la dénonciation de pratiques particulièrement terribles : le vol d'yeux à des enfants de Colombie, pour fournir des hôpitaux des pays riches ; les relations entre services secrets argentins, chiliens et français au moment des dictatures, et aujourd'hui "Le monde selon Monsanto". Un livre prenant et un film choc, succès mondial qui s'est fortement immiscé à l'Assemblée Nationale dans l'actuel dé
bat sur les OGM.
Marie-Monique Robin était vendredi soir à Elne, dans le cadre de Cinémaginaire, pour présenter trois de ses documentaires qui l'ont conduit au film sur Monsanto.
Rencontre...
Albert Londres reste-il la référence pour vous ?
Evidemment, c'est la référence absolue. S'il avait vécu aujourd'hui, il aurait mis non pas sa plume mais sa caméra dans la plaie, là où ça fait mal. C'est vraiment exemplaire ce qu'il a fait en son temps et j'aimerais que davantage de journalistes s'inspirent de lui.
Votre film "Escadrons de la mort, l'école française" avait soulevé beaucoup de lièvres !
J'arrive d'Argentine où j'étais citée à comparaître dans un procès contre des militaires, comme témoin protégé à la suite de mon enquête parce que mon film a participé à l'abolition des lois d'amnistie et à l'inculpation de certaines personnes. J'étais dans une région du nord de l'Argentine, Corrientes, où s'était installés une trentaine d'anciens de l'OAS sur des terres d'où l'on avait expulsé des petits paysans et que leur avait donné le gouvernement argentin. Des Français, mon film le dit, qui ont contribué à la formation des fameux escadrons de la mort, comme à la répression au Chili.
Votre dernier film "le monde de Monsanto" est un succès mondial, et là aussi vous mettez votre caméra là où ça fait très mal !
Je dresse le portrait de cette entreprise, Monsanto, qui a été créée en 1901 aux Etats-Unis. C'est un grand groupe chimique qui a fait des produits comme les PCB, le pyralène, qui a inondé le Vietnam avec l'agent orange. Des produits qui finalement ont été interdits après avoir contaminé la planète entière. Monsanto est aujourd'hui le premier semencier producteur d'OGM.
Vous démontrez en outre que Monsanto a été un sacré cachottier en matière de la dangerosité de ses produits !
Pour le PCB ou l'agent orange, par exemple, il y en a d'autres, ils savaient que c'était hautement toxique pour l'homme car maintenant il y a eu des procès, et les documents ont été déclassifiés. Ils n'ont rien dit, ils ont caché ça à tout le monde. Ils ont été condamnés dans un procès mais ils sont toujours là, ils continuent avec les mêmes méthodes.
Mais comment cela est-il possible ?
Aux Etats-Unis, on ne peut pas attaquer les dirigeants au pénal, on ne peut attaquer qu'au civil les entreprises qui ont une entité juridique à part. Evidemment ça entretient l'impunité et l'irresponsabilité des dirigeants.
Monsanto, aujourd'hui tente de se refaire une virginité en affirmant travailler pour le développement durable.
Ça, il le dit, mais Monsanto, je le montre dans le film, c'est tout sauf le développement durable. La réalité est tout le contraire de leurs discours et leur propagande. Monsanto, ça pousse aux monocultures, ça fait partir les petits paysans qui eux sont garants de la sécurité alimentaire de leur pays et c'est plus de pollution partout dans le monde.
Et leur fameux herbicide Round Up, très utilisé d'ailleurs dans les P.O ?
C'est l'herbicide le plus vendu au monde, utilisé par tous les jardiniers y compris ici dans les P.O et dont on découvre dans le film qu'il n'est pas biodégradable, qu'il n'est pas bon pour l'environnement et qu' il est cancérigène.
Dans le récent dé
bat à l'Assemblée nationale deux de nos députés François Calvet et Daniel Mach, pourtant UMP, n'ont pas voté avec leur camp, c'est-à-dire pour les OGM. Ils ont eu le courage de s'abstenir, qu'auriez-vous envie de leur dire ?
Qu'ils auraient dû aller plus loin encore et voter contre. Le Parlement est en train de passer au forceps une loi dont personne ne veut au nom du très évident principe de précaution. Je pense comme l'a dit le sénateur UMP de la Manche, Jean-François Legrand qui a eu le courage de dénoncer les pressions de Monsanto, que les parlementaires sont intoxiqués par la désinformation, c'est inquiétant. Mon enquête a pesé assez lourd dans le dé
bat. Je n'ai rien contre les OGM en général, on nous a promis des choses merveilleuses avec eux, mais pour l'instant ce qui existe dans les champs ce sont des OGM Monsanto. Ce sont des OGM pesticides, c'est-à-dire conçus pour résister aux épandages de Round Up et pour fabriquer une protéine insecticide. Ces OGM-là n'ont pas été testés comme ils devraient l'être, avec en plus les problèmes de contamination dans le monde entier. Donc au minimum, c'est le principe de précaution, car après on ne pourra plus revenir en arrière.
Interview recueillie par Michel Lloubes "
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